Après le très beau Dracula de Georges Bess, Glénat propose à Marco Cannavó et Corrado Roi de donner leur propre interprétation de Frankenstein, le second mythe fondateur de la littérature fantastique.

Le « monstre » de Frankenstein est né en 1818 de l’imagination de la jeune Mary Shelley. L’histoire est connue. Son roman épistolaire décrit les tourments de Victor Frankenstein qui, à partir des fragments de trois cadavres, donne vie à une créature intelligente, qui se retrouvant seule et honnie par les hommes, va se retourner contre lui, exigeant d’abord de lui une compagne, avant de se venger sur ses proches.
S’il respecte les grandes lignes du roman, le scénario de Marco Cannavó ménage son lot de surprises et donne plus de place aux états d’âme du « monstre », qu’il nomme Prométhée. Il pose la question de la liberté et de la responsabilité, notamment du créateur vis-à-vis de sa créature. Exprimant émotions et reproches, Prométhée tente de se justifier. Victor lui a donné la vie et l’a éduqué, il le reconnaît comme son père, mais à la première difficulté, un meurtre, il l’a abandonné, manquant à ses devoirs de créateur. Or, Victor lui ayant greffé le cerveau d’un tueur, il ne s’estime pas responsable de ses accès de violence.
SI Mary Shelley n’a pas décrit précisément sa créature, le cinéma a imposé la démarche lente et le visage carré et couturé de Boris Karloff, dans la version de 1931 de James Whale.
Audacieusement, Corrado Roi propose un Prométhée tout à la fois plus humain, avec un visage blafard, lisse et aux rares et longs cheveux, et plus expressif, et donc plus inquiétant. Son trait à la plume classique, fin et discret, est accompagné d’un très beau lavis, qui donne un aspect sidérant de réalisme à certaines planches, dont l’illustration de couverture. Le travail sur les ombres et les clairs-obscurs accentue la tension, sublimant les codes du gothique, la nuit et le froid, le fantastique et la science dévoyée, l’angoisse et la mort.
Après l’avoir laissé fuir, Victor tente de l’arrêter, puis de le tuer. Mais Prométhée se révèle plus fort et plus endurant que les faibles humains. Il est insensible aux balles des pistolets : « On ne peut pas tuer un homme né mort ! » En se révélant supérieure au créateur, la créature peut-elle susciter la jalousie des mortels ?
Stéphane de Boysson
Frankenstein – Au nom du père
Scénario : Marco Cannavó
Dessin : Corrado Roi
112 pages – 22,50 €
Éditeur : Glénat
Parution : 5 mars 2025
Frankenstein – Au nom du père — Extrait :
