[Interview] TVOD : « Parfois, la forme ultime de protestation, c’est de dire : « Fuck it all, on va s’amuser ! » »

Si il y a un nouveau groupe US qui est « chaud » en ce moment, c’est sans aucun doute les New Yorkais de TVOD, qui réveillent la tradition locale du punk rock fait  la fois pour danser et pour réfléchir. Nous avons eu de la chance chez Benzine, nous avons pu parler à Tyler, leur « leader », quoi que ce soit que ce terme désigne en l’occurrence…

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TVOD – Photo : Kristin Sollecito

Benzine : Commençons par le début : comment s’est formé TVOD, et quelle est l’histoire derrière ce nom ?

Tyler : TVOD a débuté quand j’ai commencé à écrire des chansons punk dansantes dans le sous-sol de mon appartement, sur un magnétophone Tascam à 4 pistes. C’était juste avant la pandémie, donc on n’a pu jouer que quelques fois avant le confinement. Après la levée des restrictions, plusieurs de mes camarades du groupe avaient déménagé, avaient eu des enfants ou décroché de « vrais » boulots. J’ai alors fait appel à certains de mes meilleurs amis de la scène musicale de Bushwick, NY, pour compléter le son. C’était il y a quelques années maintenant, et nous sommes devenus une grande famille heureuse. J’avais vraiment envie d’appeler le groupe Walmart, mais tout le monde a trouvé ça ridicule, alors on a choisi TVOD à la place. C’est la femme de notre ancien batteur qui avait lancé ce nom en passant, et il a fini par coller.

TVOD - Uniform Photoshoot by Kristin Sollecito 02 - AB1A1659-EditBenzine : Brooklyn a une longue tradition musicale, en particulier dans le punk rock — en quoi la scène locale a-t-elle influencé votre musique et votre état d’esprit ?

Tyler : Sans elle, on ne serait tout simplement pas là aujourd’hui. On a tous joué dans d’autres groupes de Brooklyn pendant des années. J’ai acheté un aller simple pour New York à 19 ans pour suivre un amour, et j’y suis resté même quand la relation a capoté. J’ai trouvé ma place dans la scène locale et rencontré tous mes camarades de groupe au fil des concerts et des soirées. Pour moi, c’était comme une université du punk rock. Les jeunes de mon âge allaient tous à NYU ou à Parson’s. Moi, je bossais pour le salaire minimum au Guitar Center de la 14e rue, je jouais dans des bars où je n’avais même pas l’âge légal d’entrer, et j’étais un vrai monstre de chaos. J’ai énormément appris de cette scène musicale new-yorkaise, et je ne troquerais jamais cette éducation contre autre chose.

Benzine : Comment décririez-vous l’ADN musical de TVOD ? Quelles sont vos influences principales — musicales ou autres ?

Tyler : J’ai grandi dans le sud de la Californie, donc beaucoup de mes influences viennent du surf punk, du grunge, et de la scène d’Orange County qui a explosé au début des années 2010. À l’époque, je vénérais des groupes comme Fidlar, Together Pangea ou The Garden. Le grand frère de mon meilleur ami nous a emmenés à un concert au Smell à LA pendant notre année de première au lycée, et je ne m’en suis jamais remis.

Benzine : Vos concerts sont connus pour être chaotiques et cathartiques. Quel rôle joue la scène live dans l’identité de TVOD ?

Tyler : Je pense qu’on est clairement un groupe live. On adore enregistrer et sortir des morceaux, mais on ne s’éclate vraiment que sur scène. Il y a une telle énergie spontanée là-haut. Pour moi, le studio ressemble à une visite à la bibliothèque, ennuyeuse en comparaison. Rien ne vaut ces moments éphémères qui laissent des souvenirs pour la vie.

Benzine : Votre dernier album, Party Time, est aussi fun que furieux. Comment s’est déroulé le processus créatif pour ce disque ?

Tyler : Beaucoup de ces morceaux traînent dans notre setlist depuis que j’ai commencé à écrire les premières chansons fin 2019. Le traumatisme de la pandémie, les soirées jusqu’à la fermeture dans les bars de Bushwick, les boulots mal payés et sans avenir, les tournées DIY à répétition, l’anxiété chronique et mon TDAH débilitant ont tous nourri ma créativité pour ce disque.

Benzine : Il y a beaucoup de tension, d’humour et de commentaires dans vos paroles — qu’est-ce qui vous inspire dans l’écriture ?

Tyler : J’écris mes textes de manière très erratique. J’ai une mémoire à court terme affreuse, donc je note généralement mes idées sur un papier ou dans mon téléphone dès qu’elles me viennent. Puis, quelques jours, semaines ou mois plus tard, quand je gratte sur un riff, je ressors ces pensées et je les laisse me guider. Ces idées existent déjà quelque part — je suis juste une antenne qui capte ce que le signal veut que je dise.

TVOD by Kristin Sollecito-03Benzine : Considérez-vous TVOD comme un groupe politique, ou plutôt comme un reflet du chaos personnel et social ?

Tyler : Je suppose qu’on est un peu des deux, parce que mes réflexions personnelles et le chaos social qui m’entoure sont largement liés à ce qui se passe politiquement dans le monde. Il y a tellement plus dans la vie que la politique, et je pense que notre musique reflète ça. Parfois, la forme ultime de protestation, c’est de lever les bras, ouvrir une bière et dire : « Fuck it all, on va s’amuser ! »

Benzine : Comment le groupe a-t-il évolué depuis vos premières sorties comme Poppies ou Goldfish ?

Tyler : Je trouve qu’on est beaucoup plus à l’aise les uns avec les autres. À l’époque, c’était juste moi et mes chansons que j’apportais au projet. Maintenant, le groupe m’aide beaucoup à construire les éléments musicaux de TVOD, et on s’influence mutuellement bien plus qu’avant sur le plan sonore.

Benzine : Quelle est la dynamique au sein du groupe — démocratique, explosive, ou les deux ?

Tyler : On est six, donc la dynamique ne peut être qu’un peu socialiste. On fonctionne comme une machine bien huilée en tournée, et il faut vraiment beaucoup pour que l’un de nous pète un câble. Quand ça arrive, c’est en général à cause du manque de sommeil. C’est la principale cause de nos disputes. Mais on adore vraiment être ensemble, et on considère tous TVOD comme une famille.

Benzine : Enfin : que nous réserve TVOD pour la suite, et à quoi les fans doivent-ils s’attendre lors de vos prochains concerts ou sorties ?

Tyler : On a plein de nouvelles chansons qu’on teste en ce moment sur la route. Les fans peuvent s’attendre à un nouveau disque bientôt, et à de nouvelles dates de tournée. C’est un peu aléatoire, mais personnellement, j’adorerais aller jouer au Japon. J’ai toujours été fasciné par la musique qui vient de là-bas, et j’adorerais vivre l’expérience d’une tournée là-bas. J’espère que ça arrivera bientôt !

Benzine : Une question fun : si vous pouviez collaborer avec un artiste ou groupe (passé, présent, vivant ou mort), qui choisiriez-vous, et pourquoi ?

Tyler : Je choisirais de collaborer avec Damon Albarn, de Blur et Gorillaz. Je les adorais quand j’étais gamin, et j’ai toujours voulu voir leur show et le rencontrer. C’est un de ces groupes formateurs qui m’ont transformé en tant qu’auteur-compositeur. Je sais qu’il est vieux, gros et grincheux maintenant (rires), donc je ne sais pas si ce sera un jour possible !

Propos recueillis par Eric Debarnot le 22 mai 2025

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